Barbara Stiegler. “Le demi-hommage de Foucault à la généalogie nietzschéenne.” Binoche, Bertrand, and Arnaud Sorosina. Les Historicités De Nietzsche. Paris: Publications de la Sorbonne, 2016: 197-217.
Dès ses premiers livres, Foucault n’a pas cessé de se référer à Nietzsche. Pourtant, il semble qu’il faille attendre le début des années 1970 pour que la question du corps soit au centre de ses analyses1. À première vue, les textes des années 1950 et 1960 paraissent défendre un dualisme strict entre nature et histoire – le corps, sous le titre de l’« organique », étant systématiquement renvoyé à la nature, tandis que le « mental » et le « psychologique » seraient élaborés « par l’histoire seulement2 ». En pensant l’histoire sur un mode aussi dualiste, comment Foucault a-t-il bien pu se référer à Nietzsche, qui entendait de son côté, en partant « du corps et de la physiologie3 », dépasser ces oppositions? Quel a bien pu être le Nietzsche du premier Foucault, s’il était saisi au prisme déformant d’une telle partition entre nature et histoire et à ce point amputé de tout rapport au corps? Au fond, n’y avait-il pas une incompatibilité de départ entre l’antinaturalisme natif de Foucault et sa référence constante à la figure tutélaire de Nietzsche?