Nietzsche, Bataille : de l’océan au désert
by Martin Baudroux
Sois cet océan.
Nietzsche
Qui suis-je
pas « moi » non non
mais le désert la nuit l’immensité…
Bataille
C’est sur une place publique, une lanterne à la main en dépit du jour, que l’insensé annonce la mort de Dieu : « Comment avons-nous pu vider la mer ? »[1]. Car il n’y a que la métaphore pour restituer la dimension esthétique d’un événement ; seule, elle approche celui-ci en artiste et donne à voir les mutations topographiques qui l’accompagnent. Transposition d’un affect dans une image, elle s’énonce depuis l’en-deçà du concept, le corps[2]. Elle ballotte son objet des sens à l’image et de l’image au langage, jusqu’à susciter une expérience tout à la fois visuelle, intelligible et sonore : la mer de valeurs dont Dieu soutenait la plénitude se vide dans un fracas, laissant place à une vaste étendue aride – un véritable désert que le soleil, éclipsé par un immense cadavre, n’éclaire plus : « Qu’avons-nous fait lorsque nous avons détaché cette terre de la chaîne de son soleil ?… Ne voyez-vous pas sans cesse venir la nuit, plus de nuit ? Ne fait-il pas plus froid ? »[3]. Dans ce monde privé de centre, de repères comme d’horizon, l’espace se confond avec l’infinité de la nuit, et le temps, ouvert sur le vide, n’annonce plus rien de précis, ni jugement ni royaume. Au point de vue topographique, c’est l’aridité qui caractérise le nihilisme comme volonté de puissance asséchée, atmosphère glaciale, « air d’hôpital »[4] où abondent des malades lassés de vivre et gonflés de ressentiment. Le triomphe de valeurs ascétiques avec le judéo-christianisme, l’adoption d’une morale fondée sur le sacrifice de soi, l’invention du « péché », du sujet libre et de la « mauvaise conscience », ont plongé l’Europe dans une mer de contradictions où la vie trouvait son plaisir en se niant, en échafaudant des mondes imaginaires, en dévaluant ce monde-ci. Contradictoires, dirigées contre leur terreau – la vie –, ces valeurs se condamnaient d’emblée au dépérissement. Dieu est mort. Et là réside d’abord un désastre. Car il n’y a jamais de vide complet de valeurs, et les idéaux ascétiques hérités du christianisme continuent souterrainement de valoir[5], alors même que leur fondement, le divin, Dieu le Père, et sa cohorte d’arrière-mondes (la cité divine, le royaume, le jugement dernier), ne suscitent plus la même adhésion. On aboutit alors à un étrange homme « qui, du monde comme il est, juge qu’il ne doit pas être, et, du monde comme il doit être, juge qu’il n’existe pas »[6] ; un négateur, donc, insatisfait du monde, déçu par le réel, en même temps qu’incapable d’une authentique affirmation.
Dieu se décomposant, le projet d’un renversement des valeurs presse jusqu’à la démence, et l’insensé harcèle la foule d’une nouvelle question : « Avec quelle eau pourrons-nous nous purifier ? » ; comment, en d’autres termes, renouveler les eaux de cette place vide laissée par la mort de Dieu ? Par une eau de baptême ? Par de nouveaux arrière-mondes ? Un nouvel ailleurs ? Mais les arrière-mondes sont pour cela même arriérés, et Nietzsche se refuse à la solution des eaux usées. C’est que la mort de Dieu marque aussi notre chance, en ce qu’elle offre l’opportunité d’employer différemment l’énergie jusque-là dévolue à nier la vie : « la mer, notre pleine mer, s’ouvre de nouveau devant nous, et peut-être n’y eut-il jamais une mer aussi “pleine” »[7]. Le projet d’une inversion des valeurs prend dès lors la figure d’une réplétion dont la mise en œuvre consiste à décider où déverser la puissance vitale de l’homme… mais où, si ce n’est dans l’homme lui-même plutôt que dans ces eaux noires (Dieu, le monde intelligible, l’au-delà) à l’aune desquels on a dévalué l’existence terrestre ? « Mais où se déversent les flots de tout ce qu’il y a de grand et de sublime dans l’homme ? N’y a-t-il pas pour ces torrents un océan ? – sois cet océan : il y en aura un »[8]. À la figure encore trop limitée, trop timide de la mer doit ainsi succéder l’immensité profuse de l’océan, et à l’homme qui élude la vie et ses conflits, à l’homme noyant, diminuant, enserrant la vie dans une mer d’arrière-mondes doit succéder un homme océanique, surhumain en ce qu’il consent à toutes les dimensions de l’existence, y compris à la souffrance et au pire ; un homme qui dise Oui aux instincts, au corps et aux pulsions jusque-là dépréciées, et chérisse l’existence au point d’en désirer l’éternel retour[9].
Dans son souci de lutter contre le nihilisme, Nietzsche se place donc sous le signe de l’océan, et là se trouve sans doute une décision, ou une perspective, qui le distingue d’un autre penseur, pas moins nietzschéen d’ailleurs : Georges Bataille, dont ce même constat de la mort de Dieu donne à la pensée son élan, peut-être son point de départ : « Tout le monde sait ce que représente Dieu pour l’ensemble des hommes qui y croient, et quelle place il occupe dans leur pensée, et je pense que lorsqu’on supprime le personnage de Dieu à cette place-là, il reste tout de même quelque chose, une place vide. C’est de cette place vide dont j’ai voulu parler »[10]. Dieu mort, il reste une place vide et ainsi une vacance, presque une lie, que Nietzsche déjà identifiait à des marécages : « Les eaux de la religion s’écoulent et laissent derrière elles des marécages ou des étangs »[11]. Sonder ces marécages, creuser jusqu’en son fond l’absence de Dieu, voilà qui intéresse au premier chef Bataille. On ne traverse plus tant la mer pour rejoindre l’océan qu’on ne s’enfonce dans ces boues faites de solitude, d’angoisse et d’horreur auxquelles, Dieu étant mort, l’humanité ne parvient pas à donner sens, pas plus qu’à les diluer dans l’espoir d’une grâce ou d’un au-delà rédempteur. Sans l’horizon d’un arrière-monde, la mort, le mal et l’angoisse deviennent l’insupportable par excellence : l’impossible, dit Bataille. Il faut donc sonder l’absence de Dieu jusqu’à l’impossible, au risque même de s’y enliser : « Sans doute, j’ai plus que Nietzsche incliné vers la nuit du non-savoir. Il ne s’attarde pas dans ces marécages où, comme enlisé, je passe le temps. Mais je n’hésite plus : Nietzsche même serait incompris si l’on n’allait à cette profondeur »[12]. Tous les lieux où se révèle l’absence de Dieu fonctionnent comme des marécages : l’érotisme, l’abandon, le mal, jusqu’aux bordels où Bataille expérimente une beauté coupée de Dieu et d’autant plus désirable que ne l’irradie plus aucun sens transcendant. Ainsi Madame Edwarda, dont la beauté ne s’alimente qu’à l’animalité qu’elle recouvre, se présente-t-elle à lui comme le Dieu mort en personne, comme l’absence même de Dieu[13].
Avec le topos du marécage, Bataille paraît s’aventurer plus loin dans l’expérience que Nietzsche. L’un s’enlise, l’autre non qui ne condescend pas, ou moins, aux eaux boueuses. Mais sans doute danse-t-il à la place, et de l’un à l’autre il ne s’agit en somme que d’une même expérience, Bataille ne désirant rien tant que répéter l’expérience nietzschéenne ou, plus exactement, qu’« être Nietzsche »[14]. Mais on bute ici sur un doute, peut-être un soupçon, car comment soutenir que la mort, le mal, la solitude, l’angoisse pourraient permettre d’affirmer la vie ? Comment une telle noirceur aboutirait-elle au surhumain, à une vie réconciliée avec toutes ses dimensions, des besoins animaux à l’insoutenable souffrance ? N’y doit-on pas plutôt voir l’épanouissement d’une volonté de mort, exaltant, sous des dehors nietzschéens, le nihilisme contemporain ? C’est qu’il nous manque le soleil… C’était tout le sens de la lanterne de l’insensé : Dieu mort, notre soleil se perd, occulté par un cadavre. Mais Bataille ne croit pas cette éclipse définitive. Certes, Dieu nous donnait les yeux pour regarder le soleil en face, pour donner sens à la mort, au chaos, au mal, à la douleur ; et Dieu mort, ces yeux nous sont ôtés : « Les yeux humains ne supportent ni le soleil, ni le coït, ni le cadavre, ni l’obscurité… »[15]. Les yeux fuient le soleil car incapables de regarder en face et sans l’aide de Dieu l’impossible, incapables d’acquiescer à ce qui est vil, angoissant et horrible en tant qu’il est vil, angoissant et horrible ; incapables, en somme, d’aimer la vie dans tous ses aspects jusqu’à lui dire (lui crier) Oui. On retrouve le platonisme inversé : les yeux se protègent du soleil non par impuissance à saisir une vérité transcendante, située ailleurs qu’ici-bas ; ils s’en protègent comme d’un impossible trop bas. On n’a jamais quitté Nietzsche, et Bataille n’exhorte à rien d’autre qu’à aimer la vie, fût-ce dans un cri (« je t’aime comme on râle », dit un poème[16]).
On ne l’a pas quitté, à ceci près qu’il faut s’enfoncer plus avant dans l’expérience, et regarder le soleil jusqu’à s’en brûler les yeux, jusqu’à « la nuit du non-savoir ». Contre les philosophes qui ramènent tout l’inconnu au (bien) connu, Bataille cherche à atteindre l’inconnu en tant que tel. Car les marécages et le soleil ne sont que des lieux de passage, comme des portes d’entrée à un site définissant le sommet de l’expérience : le désert. C’est lui qu’il faut extraire de toute connotation nihiliste et ascétique pour le substituer, avec beaucoup de douceur, à l’océan nietzschéen : « Le commandement si simple : “Sois cet océan”, lié à l’extrême, fait en même temps d’un homme une multitude, un désert. C’est une expression qui résume et précise le sens d’une communauté. Je sais répondre au désir de Nietzsche parlant d’une communauté n’ayant d’objet que l’expérience (mais désignant une communauté, je parle de “désert”) »[17]. Sans doute l’assentiment à l’existence déverse-t-il par torrents une puissance vitale, profondément affirmative, dans l’homme lui-même devenu océan. Mais cet océan ne va pas au bout du désir de communauté dont Bataille décèle la présence chez Nietzsche, et qu’il se propose d’assouvir : au sommet de l’expérience doit se trouver l’inconnu, et dans une telle « nuit du non-savoir », c’est l’impossibilité même d’établir une communion ou un partage qui soude les hommes d’un lien indéfectible. « L’impossible communion de deux ou de plusieurs hommes, écrit Michel Surya, par paradoxe, est la seule qui leur soit communicable »[18]. Bataille n’attend pas seulement de l’expérience qu’elle permette en effet cette réconciliation nietzschéenne avec la vie ; encore faut-il qu’elle aboutisse à une communauté qui puisse, au milieu du désert d’un « non-savoir », faire de chaque homme une « multitude ». L’océan manque en partie la communauté. Sa figure échoue à penser le lien de dénuement qui unit les hommes en leur permettant une authentique communication. Elle échoue peut-être aussi, et c’est là un point délicat, à sortir tout à fait de l’idéalisme en situant le surhomme à la traversée de continents et de mers[19]. À l’opposé, l’inconnu se situe au sommet d’une dépense, d’une perte, et donc à l’abîme d’une descente angoissée dans le fond des marécages. Jusqu’à la nuit déserte d’une multitude.
Avec le topos du désert, on quitte joyeusement la réplétion pour l’errance : au milieu du sable, nul « océan du beau » (Platon), nul au-delà où s’abreuver d’espoirs, nul royaume promis à ceux qui ont « soif de justice »[20]. Rien de tel non plus qu’une « fin » de l’histoire vers où fuirait le temps présent. Radicalement inachevé, le monde de Bataille n’accepte qu’une « négativité sans emploi », et le temps, fendu, blessé, s’ouvre sur l’inconnu comme les « guenilles » d’Edwarda sur le Dieu mort : « J’imagine que ma vie – ou son avortement, mieux encore, la blessure ouverte qu’est ma vie – à elle seule constitue la réfutation du système fermé de Hegel »[21]. A l’encontre des philosophies marquées par le désir d’enclore l’histoire dans une figure achevée, il faut renoncer à être tout, accepter l’inachèvement du temps, sa course imprévue, dénuée de terme ou de but, arbitraire parfois, et consentir dans le même mouvement à l’inachèvement de sa propre existence, celle-là contingente, suspendue à une chance. Mais « ne plus se vouloir tout »[22] n’implique aucune résignation ni tristesse ; bien plutôt l’amour, tragique et non sinistre, du présent dans ce qu’il comporte d’incertitudes et d’égarements, dans sa dimension de chance ou, aimerait-on dire, dans son aspect désertique, erratique. Aimer le présent qui ne mène nulle part, voilà peut-être le mot d’ordre d’une volonté élevée au désert, ou mieux, d’une « volonté de chance », comme Bataille nomme celle de Nietzsche. Parce qu’à s’inscrire dans le sillage (le raz-de-marée) de ce dernier, on s’égare pour retomber sur l’éternel retour au fond déjà désertique, erratique : « La morale menait jusque-là d’un point à un autre, était une morale de l’action, donnait le parcours et le but. La morale de Nietzsche a cessé d’être un ITINÉRAIRE. Elle invite à la DANSE (… et la danse ne va nulle part)… Mais l’essentiel est en ceci : l’on n’a plus rien À FAIRE, plus d’issue, plus de but, plus de sens »[23]. Plus d’issue, plus de but, plus de sens, autant de marques, en dépit de la grammaire, d’une volonté affirmative qui chérit l’instant : « J’aime l’ignorance touchant l’avenir », cette phrase du Gai savoir dont Bataille sème ses textes donne le privilège à l’instant ; elle exhorte à un présent délivré de tout but comme de tout projet, à un homme non plus total mais « entier », celui-là même dont nous étions partis, celui de l’éternel retour : « Le retour immotive l’instant, libère la vie de fin et par là d’abord il la ruine. Le retour est le mode dramatique et le masque de l’homme entier : c’est le désert d’un homme dont chaque instant désormais se trouve immotivé »[24]. C’est cet homme entier, joyeusement désertique, qui habite les mers vides des dieux sans tristesse ni regrets.
Entre Nietzsche et Bataille, il n’est donc peut-être pas tant question d’un lien théorique d’« inspiration » ou de « ressemblance », que d’une véritable communauté. C’est le désir du premier que d’aller que bout du désir du second : par un consentement à l’impossible dont Dieu voilait l’effrayant ; par l’érotisme comme « approbation de la vie jusque dans la mort »[25] où, transgressant l’interdit de la chair, l’homme se réconcilie avec l’animalité ; par, en définitive, l’expérience d’une souveraineté quand, dépensant à perte et se ressaisissant du présent, l’homme se libère des chaînes du projet, du temps, du rendement et de l’utile où l’enferraient le christianisme et le capitalisme.
C’est dire que leur différence se loge dans un écart topographique plutôt que théorique. Nietzsche : une pensée océanique qui, en s’augmentant des remous qui l’agitent, consent dans un débordement de vie à l’éternel retour du ressac. Bataille : une pensée aride, soudée à d’autres par la mort, esseulée au milieu du désert (soudée parce qu’esseulée), et se tournant, dans une violente extase, vers le soleil brûlant d’un impossible auquel elle acquiesce dans un râle.
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[1] F. Nietzsche, Le Gai savoir, trad. fr. P. Klossowski, Paris, Gallimard, 1989, § 125.
[2] « Le concept n’est autre que le résidu d’une métaphore, et […] l’illusion de la transposition artistique d’une excitation nerveuse dans une image, si elle n’est pas la mère, est pourtant la grand-mère de tout concept » (F. Nietzsche, Le Livre du philosophe, trad. fr. A.K. Marietti, Paris, Aubier Flammarion, 1969, p. 179).
[3] Ibid.
[4] F. Nietzsche, La Généalogie de la morale, III, § 14, trad. fr. P. Wotling, Paris, Le Livre de Poche, 2000, p. 217.
[5] Dans la science notamment (ibid., III, § 24 et 25).
[6] F. Nietzsche, Fragments posthumes, 9 [60], 366.
[7] F. Nietzsche, Le Gai savoir, op. cit., § 343.
[8] F. Nietzsche, La Volonté de puissance, t. II, trad. fr. G. Bianquis, Paris, Gallimard, 1995, p. 385.
[9] « Il s’agit de devenir, par-delà la peur et la pitié, l’éternelle joie du devenir lui-même, cette joie qui comporte la joie de l’anéantissement » (F. Nietzsche, Ecce Homo, sur Naissance de la tragédie, § 3), cité par Francis Guibal, qui commente ainsi : « La joie affirmative n’a rien de fade, elle est radicalement tragique : elle s’élève du fond des pires conditions, du fond de la douleur et de la souffrance ; et elle dit un oui inconditionnel au terrifiant et à l’effrayant, au déclin et à la mort » (F. Guibal, « F. Nietzsche ou le désir du oui créateur », Revue Philosophique de Louvain, vol. 82, n° 53, 1984, p. 65).
[10] M. Chapsal, « Entretien avec Georges Bataille » (février 1961), dans Les écrivains en personne, Paris, U.G.E., 1973, p. 30.
[11] F. Nietzsche, Considérations inactuelles, II – « Schopenhauer éducateur », trad. fr. P. Rusch, Paris, Gallimard, 1990, p. 45.
[12] G. Bataille, L’Expérience intérieure (1943), Paris, Gallimard, 1954, p. 39.
[13] Cf. G. Bataille, « Madame Edwarda », dans Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1970-1988, t. III, p. 9-31. Et sur la beauté « dont l’achèvement rejette l’animalité », cf. G. Bataille, L’Érotisme, Paris, Minuit, 1957, p. 160.
[14] « L’“expérience de Nietzsche” qu’il s’agit de répéter est précisément celle qui conduit Nietzsche à s’absenter de lui-même. Il ne saurait donc être question, pour Bataille, de parler de Nietzsche mais d’“être Nietzsche” ; s’interroger, dès lors, comme on l’a souvent fait, sur la fidélité doctrinale de Bataille à Nietzsche pourrait tout bonnement n’avoir aucun sens » (F. Warin, Nietzsche et Bataille. La parodie à l’infini, Paris, P.U.F., 1994, p. 16).
[15] G. Bataille, « L’anus solaire », dans Œuvres complètes, op. cit., t. I, p. 85.
[16] G. Bataille, L’Expérience intérieure, op. cit., p. 184.
[17] Ibid., p. 40. Pour une description similaire du désert, cf. p. 151.
[18] M. Surya, Georges Bataille, la mort à l’œuvre, Paris, Gallimard, 1992, p. 384.
[19] C’est du moins l’avis de Bataille lors de sa polémique avec Breton, qui dénonce « dans le thème du “surhomme” comme dans le concept de “surréalisme” une “échappatoire icarienne” » (F. Warin, Nietzsche et Bataille, op. cit., p. 5). Cf. aussi M. Surya, Georges Bataille, la mort à l’œuvre, op. cit., p. 177. Et pour une nuance de ce propos de Bataille, cf. encore F. Warin, Nietzsche et Bataille, op. cit., p. 44.
[20] « Pour donner la distance de l’homme actuel au “désert”, de l’homme aux mille niaiseries cacophoniques… je dirai du “désert” qu’il est le plus entier abandon des soucis de l’“homme actuel”, étant la suite de l’ “homme ancien”, que réglait l’ordonnance des fêtes. Il n’est pas un retour au passé : il a subi la pourriture de l’“homme actuel” et rien n’a plus de place en lui que les ravages qu’elle laisse – ils donnent au “désert” sa vérité “désertique”, derrière lui s’étendent comme des champs de cendres le souvenir de Platon, du christianisme et surtout, c’est le plus affreux, des idées modernes… » (G. Bataille, L’Expérience intérieure, op. cit., p. 40-41).
[21] G. Bataille, Le Coupable (1944), Paris, Gallimard, 1961, p. 186. Cela ne signifie cependant pas que Bataille récuse dans son entier le système de Hegel. Dans la lettre citée à Alexandre Kojève, il acquiesce à l’idée que l’histoire est finie ; simplement, il ajoute au système hégélien une nouvelle figure, celle de l’inachèvement. Mais cet ajout le contredit en partie : après la fin de l’histoire, il n’y a « plus rien à faire », et si Hegel a « prévu cette possibilité », il ne l’a pas « située à l’issue des processus qu’il a décrits » (ibid., p. 186).
[22] G. Bataille, L’Expérience intérieure, op. cit., p. 10.
[23] Cf. G. Bataille, « Memorandum », dans Œuvres complètes, op. cit., t. VI, p. 219.
[24] G. Bataille, « Sur Nietzsche : Volonté de chance », dans Œuvres complètes, op. cit., t. VI, p. 23.
[25] G. Bataille, L’Érotisme, op. cit., p. 17.